Pour la quinzième fois de l’histoire de l’aviron, la France va aligner au départ de la régate olympique un quatre sans barreur masculin. Un bateau dans lequel elle a déjà enregistré plusieurs réussites et dont la progression de l’embarcation actuelle laisse entrevoir de belles choses à Vaires-sur-Marne.
On a souvent entendu dire, ces dernières années, que la pointe française était dans la difficulté. Téo Rayet, Benoît Brunet, Thibaud Turlan et Guillaume Turlan ont fait mentir la rumeur en décrochant à Belgrade, en septembre 2023, la qualification de leur coque pour les Jeux de Paris 2024. Un projet initié par le consultant exécutif à la haute performance, Jürgen Gröbler, qui envisage toujours un bateau long avant un plus court. Un pari qui a payé et permet d’envoyer l’embarcation sur les eaux olympiques de Vaires-sur-Marne.
Et ils ont derrière eux, derrière leur aventure, plusieurs exemples qui démontrent que la discipline a un passé, mais aussi un avenir en bleu blanc rouge. Le bateau a déjà remporté deux titres mondiaux : un en 1993 à Roudnice (République tchèque) – des championnats devenus historiques et qui ont fait l’objet de célébrations l’année dernière – et en 2010, à Karapiro (Nouvelle-Zélande), équipage dans lequel Benoît Brunet était alors remplaçant, à tout juste 19 ans.
L’histoire olympique du quatre sans barreur français a commencé en 1924, à Paris (de bon augure ?). A son bord, également deux frères (un autre signe…), Henri et Albert Bonzano, Jean Camuset et Théo Cremnitz ; tous les quatre ont terminé à la quatrième place de la compétition. Quatre ans plus tard à Amsterdam, on retrouvait dans le bateau les frères Bonzano, associés à Louis Devillie et Emile Lecuirot ; quatrième place également pour les rameurs tricolores, derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Italie. En 1952, Pierre Blondiaux, Marc Bouissou, Roger Gautier et Jacques Guissart décrochent l’argent à Helsinski. En 1956, c’est le bronze qui récompense Yves Delacour, Guy Guillabert, Gaston Mercier et René Guissart.
Les olympiades suivantes, le quatre sans barreur ne connaîtra alors plus que des places d’honneur, ne dépassant jamais la septième place. Une situation qui durera jusqu’à Atlanta, en 1996. A bord du bateau Gilles Bosquet, Daniel Fauché, Olivier Moncelet et Bertrand Vecten. L’Australie remporte le titre olympique, mais les Français parviennent à devancer les Britanniques et s’emparent de l’argent. « C’est peut-être plus facile de trouver deux rameurs forts physiquement et techniquement que quatre ou huit, commente Daniel Fauché. Une médaille, c’est beaucoup de petites choses mises bout à bout, il y a une part de chance. Pour nous, ça a peut-être été le vent qui a tourné une demi-heure avant notre médaille. On a fait une première course pas très bonne. Eberhard Mund nous a dit que si c’était pour faire ça, ça n’en valait pas la peine. Ca nous a piqué, on a remporté la demi-finale. Mais les saisons sportives sont pleines d’anecdotes. Philippe Lot s’est blessé au dos, avec Gilles Bosquet on a tout de suite matché. Et pourtant, au début on n’était pas dans le quatre sans, Eberhard voyait plutôt les frères Béghin ».
De quoi redonner du baume au cœur à l’aviron tricolore, même si quatre ans plus tard à Sydney, alors que le deux sans barreur triomphe, le quatre sans barreur devra se contenter de la septième place. Huit ans plus tard, à Pékin, quatre rameurs surmotivés – Germain Chardin, Julien Despres, Dorian Mortelette et Benjamin Rondeau – remontent sur le podium de la discipline et remportent le bronze.
Il faudra ensuite attendre Rio, en 2016, pour revoir un quatre sans barreur français s’aligner en régate olympique : Benjamin Lang, Mickaël Marteau, Valentin et Théophile Onfroy se qualifient à la régate finale de Lucerne, mais terminent à la onzième place sur le lagoa Rodrigo de Freitas.
Pour Tokyo, c’est à Linz pour les mondiaux que tout aurait pu se décider… si la météo ne s’en était pas mêlé. Alors que les deux premiers bateaux de la finale B peuvent se qualifier, Benoît Demey, Benoît Brunet, Edouard Jonville et Julien Montet terminent à la neuvième place. Dernière chance pour le quatre sans barreur, la qualification à la régate de la mort à Lucerne, qui n’interviendra que deux ans plus tard, après le covid. Cette fois le quatre sans barreur et composé de Benoît Demet, Benoît Brunet, Thibaut Verhoeven et Dorian Mortelette. Ils finissent malheureusement à la troisième place. Seuls les deux premiers bateaux, les Sud-Africains et les Canadiens, décrochent leur ticket pour le Japon.
En 2023, l’histoire est tout autre. Jürgen Gröbler décide de lancer l’équipe de France dans un quatre sans barreur. Et au terme du chemin de sélection individuel à Cazaubon et collectif lors des premières échéances de la saison, ce sont Téo Rayet, Benoît Brunet, Thibaud Turlan, Guillaume Turlan qui inscrivent leur nom sur la coulisse de l’embarcation. Un fait est incontestable : il se ressent rapidement une véritable osmose dans le bateau. Après une médaille de bronze aux championnats d’Europe, l’équipage français s’aligne confiant à Belgrade pour décrocher la qualification olympique. Et c’est chose faite, en entrant en finale mondiale. Même si le résultat au bout des 2000 mètres n’est alors pas au niveau des attentes des athlètes. « On arrive très bien à courir les demi-finales, note Benoît Brunet, il faut qu’on coure les finales de la même manière, on savait qu’on voulait faire mieux que ça ». Mais ils ont su rapidement se remettre au travail. « On a abordé beaucoup de choses dans la préparation de course avec ce quatre sans, on est encore en train de mettre des pierres pour construire la performance. On a de la place, des mètres, à gagner en finale, on va arriver à le faire ». Une confiance qui est, depuis la naissance du projet en 2023, le maître mot du bateau, revenant sans arrêt dans les propos de Téo Rayet, Benoît Brunet, Thibaud Turlan, Guillaume Turlan et de leur entraîneur Bastien Tabourier, et qui le restera jusqu’à juillet 2024.